Responsabilité pénale des hébergeurs

Un hébergeur condamné pour contrefaçon

Le 23 avril 2021, une société d’hébergement numérique et son dirigeant ont été condamnés à 100 000 € d’amende pour la société, 20 000 € et six mois de prison avec sursis pour son dirigeant pour contrefaçon.

La société DStorage, hébergeur, a été condamnée par le tribunal correctionnel de Nancy pour ne pas avoir empêché l’accès à des fichiers situés sur ses serveurs constituant des actes de contrefaçon d’œuvres de l’esprit et de vidéogrammes.

Or, la société DStorage avait été notifiée de ce contenu manifestement illicite au sens de l’article 6 de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (LCEN).

Ainsi, aux termes de cet article, les hébergeurs peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles n’ont pas agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible.

En l’espèce, l’hébergeur avait été notifié par diverses sociétés de gestion de droits d’auteur concernées par le contenu litigieux (SACEM, SCPP…). Ces dernières lui ont demandé de retirer le contenu litigieux sur le fondement de la LCEN, ce qu’il a refusé, estimant que la procédure de notification de la LCEN s’appliquait seulement aux contenus manifestement illicites « à savoir les contenus relatifs à la pornographie enfantine, à l’apologie des crimes contre l’humanité, à l’incitation à la haine raciale » et, partant, ne s’appliquait pas aux atteintes à des droits de propriété intellectuelle.

Les ayants droit ont alors porté plainte contre la société DStorage aux motifs de l’inaction de l’hébergeur et de la contrefaçon par reproduction et représentation des œuvres hébergées.

L’un des intérêts de la décision porte sur l’interprétation de l’article 6 de la LCEN, dont le Tribunal judiciaire de Nancy apprécie l’application in concreto.

  • Ainsi, le Tribunal rappelle que le terme « manifestement » renvoie à la notion de flagrance dans l’illicéité. En l’espèce, le contenu litigieux correspondait à des œuvres cinématographiques et musicales dont le Tribunal relève qu’elles « ne sont pas connues pour en permettre la libre et gratuite reproduction ou représentation. »

A cet égard, le titre des fichiers eux-mêmes correspondait à des titres d’œuvres cinématographiques et musicales.

  • Par ailleurs, les liens pointant vers les fichiers litigieux étaient des sites notoirement connus pour être des « fermes de liens » vers des contenus contrefaisants.

Dès lors, le caractère manifestement illicite des contenus est établi, le Tribunal judiciaire ne faisant aucune distinction sur le fondement du droit de la propriété intellectuelle, comme tentait de le prétendre l’hébergeur.

Le Tribunal condamne donc l’hébergeur pour les faits de contrefaçon par reproduction, représentation et diffusion non autorisée d’œuvres. De plus, pour ne pas avoir promptement retiré le contenu notifié et donc présumé connu de ses services, la société est considérée comme complice de contrefaçon par fourniture des moyens techniques la permettant.

Si cette évolution plus sévère de la jurisprudence se maintient, elle viendra confirmer un mouvement de responsabilisation des hébergeurs, ce qui incite à une plus grande prudence et une plus grande vigilance de leur part.

Tribunal judiciaire de Nancy 23 avril 2021