Réseaux sociaux

La fin de l’anonymat sur les réseaux sociaux ?

Par ordonnance du 25 février 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision éclaircissant la procédure à suivre lors de la mise en cause d’un réseau social.

Pour rappel, les sociétés éditrices de plateformes de réseaux sociaux telles que YouTube, Twitter, Instagram etc. sont considérées comme des hébergeurs. A ce titre, elles ne sont pas responsables de l’édition des contenus publiés sur leur site internet et ne sont donc pas dans l’obligation de mener une modération a priori des contenus. Dès lors, les plateformes bénéficient d’un régime de responsabilité allégé.

Ainsi, au titre de la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique (LCEN), la responsabilité des hébergeurs de plateformes ne peut être mise en cause que si le caractère manifestement illicite d’un contenu publié sur leur plateforme leur a été notifié et qu’ils n’y ont pas promptement réagi.

Dans le cas d’espèce, une femme avait créé une chaîne YouTube afin de partager sa vie et ses moments familiaux, avec ses enfants tout particulièrement.

En réaction, un internaute a posté plusieurs messages sur Twitter visant à dénoncer « l’emprise de la mère » sur ses enfants. La créatrice de contenus Youtube avait été informée de ses messages et notamment de la création d’un hashtag (#) appelant à la libération de l’un de ses enfants.

Cette dernière, s’estimant diffamée par les messages postés sur Twitter, a déposé une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier. Toutefois compte tenu notamment de l’absence d’Ordonnance rendue par le juge d’instruction et invoquant un risque de dépérissement de la preuve eu égard au bref délai de conservation des données, la créatrice de contenu a saisi le juge des référés afin d’ordonner à Twitter que lui soient communiqués les éléments d’identification de l’auteur des propos litigieux.

Twitter avait alors demandé à ce que la créatrice de contenus soit déboutée de ses demandes pour défaut de motif légitime. En effet, selon Twitter, en cas de recevabilité de la plainte, l’action en référé serait inutile puisque relevant des prérogatives du juge d’instruction. Par ailleurs, Twitter indiquait devoir conserver les données en cause durant un an à compter de la fermeture du compte, empêchant, selon Twitter, un quelconque dépérissement de la preuve.

Sur cette question de l’articulation entre une plainte avec constitution de partie civile et un référé, le Tribunal judiciaire a estimé que « le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique, permettant d’empêcher la prescription de l’action publique, n’exclut pas, en soi, la possibilité de solliciter une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure, dès lors que l’intervention du juge d’instruction ne se limite nullement à la recherche de l’auteur des propos litigieux et qu’est établie l’existence d’un motif légitime ».

L’autre intérêt de la présente Ordonnance porte sur l’étendue des données à communiquer par Twitter.

En effet, l’article 6 de la LCEN fondant la responsabilité de l’hébergeur prévoit que les mesures de rétorsion doivent être proportionnées au but poursuivi et ne peuvent pas consister en des mesures générales d’investigations.

Ainsi, Twitter se voit ordonner de communiquer les données suivantes :

  • Les types de protocoles et l’adresse IP utilisés pour la connexion au service ;
  • Au moment de la création du compte, l’identifiant de cette connexion ;
  • La date de création du compte ;
  • Les nom et prénom ou la raison sociale du titulaire du compte ;
  • Les pseudonymes utilisés ;
  • Les adresses de courrier électronique ou de comptes associés.

A ne pas douter, par ce type de décision, les tribunaux accélèrent la fin de l’impunité et de l’anonymat sur les réseaux sociaux !

Tribunal judiciaire de Paris, Ordonnance de référé du 25 février 2021