Décision collective

Transformation en SAS d’une SA ayant émis des valeurs mobilières donnant accès au capital

L’opération de transformation d’une société en une autre forme est décidée par la collectivité des associés. Si la société a émis des valeurs mobilières donnant accès au capital avant l’opération, les porteurs de ses valeurs doivent, dans certaines hypothèses, se prononcer sur la transformation : mais à quelle majorité ?

Lorsqu’une société par actions émet des valeurs mobilières donnant accès à son capital, l’article L. 228-98 du Code de commerce prévoit que la société ne peut pas modifier sa forme ou son objet, à moins d’y être autorisée par le contrat d’émission ou par décision de la masse des porteurs de ces titres dans les conditions prévues à l’article L. 228-103 du Code de commerce. Cet article renvoie à l’article L. 225-96 du même Code relatif aux conditions de délibération des assemblées générales extraordinaires de SA et prévoit que les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des voix exprimées.

Cependant, l’article L. 227-3 du Code de commerce prévoit, quant à lui, que la décision de transformation d’une société en SAS doit être prise à l’unanimité des associés.

En conséquence, se pose la question de savoir à quelle majorité se prononce la masse des porteurs de valeurs mobilières pour autoriser la transformation de la SA en SAS, lorsque le contrat d’émission ne l’a pas directement autorisé ? Est-ce à la majorité des deux tiers ou bien à l’unanimité des porteurs, futurs associés ?

Dans une communication en date du 7 octobre 2020, l’Association Nationale des Société par Actions (ANSA) a indiqué qu’une décision prise à la majorité des deux tiers est suffisante.

L’article L. 227-3 du Code de commerce, prévoyant l’unanimité, ne vise que les associés. Or inclure dans son champ d’application les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital aboutirait, selon l’ANSA, à aller « au-delà » des prévisions de cet article. Elle précise, en outre, que l’article L. 228-98 renvoie de façon générale à l’article L. 228-103, soit à une décision majoritaire sans faire de distinction selon le type de transformation envisagée ou la catégorie de valeur émise, et quelles que soient les clauses du contrat d’émission relatives à l’acquisition des actions.

Il convient de noter que l’interprétation de l’ANSA pourrait être remis en cause. En effet, par cet avis l’ANSA écarte une application extensive de l’article L. 227-3 du Code de commerce, en se raccrochant uniquement à la lettre des textes et non à leur esprit.

Si nous devions retenir comme interprétation l’esprit des textes, la réponse à la problématique pourrait être différente. L’esprit des textes susvisés viserait à protéger les actionnaires « potentiels » de la société et pas uniquement les actionnaires existants, surtout lorsque l’acquisition des actions ne dépend pas d’une décision individuelle du porteur comme c’est le cas pour les BSPCE ou les BSA, mais dépend de l’application d’une clause d’acquisition automatique comme pour les ORA sans possibilité de remboursement en numéraire. Selon cette interprétation, la transformation de la société serait décidée à la majorité des deux tiers dans les cas où les porteurs bénéficient d’une option en faveur de l’acquisition des actions, alors qu’en présence d’une clause d’acquisition automatique, l’accord unanime de tous les porteurs serait requis.

Pour l’ANSA, cette interprétation est d’une part contraire à la lettre des textes et d’autre part, elle rendrait l’opération de transformation périlleuse puisqu’il suffirait qu’un seul porteur s’abstienne de voter ou vote contre pour y faire échec.

Pour autant, si les juges retenaient une telle interprétation, la transformation décidée sans le consentement unanime des porteurs ne pourrait être annulée. Comme pour toute autre modification des statuts, les irrégularités commises lors de la transformation d’une société n’entraînent sa nullité que dans les cas expressément prévus par la loi (article L. 235-1 alinéa 1er du Code de commerce). Or l’article L. 227-3 ne sanctionne pas l’inobservation de la règle de l’unanimité par la nullité. La seule sanction d’une transformation décidée ainsi serait la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants par les porteurs, qui devront en conséquence démontrer leur préjudice.

Communication Ansa, comité juridique n° 20-039 du 7 octobre 2020