Dirigeant

Révocation d’un gérant de SARL non prévue a l’ordre du jour

Le cogérant d’une SARL a été révoqué lors de l’assemblée générale d’approbation des comptes de la société sans que sa révocation n’ait été mise à l’ordre du jour.

Le cogérant a, en conséquence, demandé réparation du préjudice causé par sa révocation, intervenue selon lui de manière brutale et sans juste motif. Il s’est fondé sur l’article L. 223-25 alinéa 1er du Code de commerce qui prévoit que « Le gérant peut être révoqué par décision des associés […]. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. »

Le cogérant a avancé comme argument, d’une part, que la révocation du gérant ou des manquements de nature à l’entrainer doivent être prévus à l’ordre du jour de l’assemblée générale au cours de laquelle elle est décidée ; et d’autre part, que le gérant doit pouvoir s’expliquer sur les griefs qui lui sont reprochés avant que les associés ne se prononcent sur sa révocation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 14 octobre 2020 (n° 18- 12.183), a approuvé la Cour d’appel pour avoir écarté les griefs et jugé que la révocation du cogérant était intervenue pour un juste motif et que son caractère brutal n’était pas établi.

En effet, l’arrêt retient que lors de l’assemblée générale, à l’issue de laquelle est intervenue la révocation du cogérant, ont été discutées différentes anomalies et irrégularités ayant conduit les associés à ne pas approuver les comptes des exercices précédents, ni sa rémunération. Étant précisé que les associés avaient préalablement, à la réunion, posé des questions écrites au cogérant sur la gestion de la société sans obtenir de réponse.

La chambre commerciale indique, en outre, que les points inscrits à l’ordre du jour étaient susceptibles de déboucher sur la révocation du cogérant et qu’il avait été à même de présenter ses observations sur les fautes reprochées ; qu’en conséquence la Cour d’appel a pu valablement écarter le grief pris de la brutalité de la révocation, peu importe qu’elle ait été inscrite à l’ordre du jour ou non.

Enfin, sur le grief d’une révocation sans juste motif, la Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel qui a valablement refusé de verser des dommages et intérêts puisqu’il était reproché au cogérant des comptes peu rigoureux comportant une erreur dans les stocks, des prélèvements relatifs à sa rémunération, en constante augmentation, et des relations entre la société et une autre société, dont le cogérant avait aussi la direction, non clarifiées par des conventions soumises à l’approbation des associés.

Pour conclure, cet arrêt confirme la possibilité de révoquer un gérant de SARL sur le principe de l’ordre du jour implicite, autrement-dit de l’incident de séance. En règle générale, seules les questions mentionnées dans l’ordre du jour peuvent être statuées, mais des incidents graves et imprévus peuvent changer le cours de la séance et conduire à une révocation de gérant de SARL. Toutefois, l’incident doit être lié à une question ou thème figurant dans l’ordre du jour. Il peut notamment s’agir de questions sur :

  • La gestion de la SARL ;
  • Les perspectives d’avenir de la société ;
  • L’examen des comptes sociaux de l’exercice écoulé.

Par ailleurs, le gérant doit être en mesure de présenter sa défense à partir des questions et des thèmes initialement mentionnés dans l’ordre du jour.

Cass., com., 14 octobre 2020, pourvoi n° 18-12.183